samedi 30 mai 2009

Un extrait à mettre en scène

L'extrait part de de la phrase "Lorsqu'il accroche les tableaux(...)" jusqu'à "Je ne capitule pas!".
Cette partie est la fin du monologue de Béranger et clôt la pièce, tout en l'ouvrant sur toute les possibilité que la rébellion de Béranger propose.
Elle montre la prise de conscience du personnage de sa laideur et de sa différence, qui l'excluent et font de lui un être misérable car rejeté.
Et le fait d'être en dehors d'une communauté le change en "monstre", alors que le rhinocéros était d'abord connoté comme monstrueux. Mais comme tous sont à présent rhinocéros, des créatures à la base laides forment un modèle et les têtes accrochées au mur en témoignent , car "[elles] sont devenues très belles". La supériorité numérique créé la norme.
Mais cette prise de conscience s'accompagne d'un "brusque sursaut" qui lui offre comme échappatoire la rébellion violente à cette solitude dans la foule. En assumant son statut de "dernier homme" et de dernier rempart à la bestialité, il doit affronter les autres, et cette affrontement se fera avec l'aide d'une technologie humaine certes, "[s]a carabine", mais dérisoire et sans doute vouée à l'échec.
Homme avec carabine, rampant sur le ventre, 1903-1904 (art Inuit)

Décors: La scène sera vide, les diverses objets présent en début d'actes 3 ayant été enlevés sans
discrétion au début du monologue(cela permet de créer un contraste entre le lieu vide et et la présence des masses de rhinocéros à l'exterieur, soulignant la solitude de Béranger dans son monologue). Il y aura quand même un faux mur blanc au fond.
Le fond sonore sera donc une mélopée de grondements sourds qui formeront une mélodie douce mais prenante(qui contrastera donc avec la blancheur du plateau). Quand Béranger tend l'oreille pour l'écouter, elle gagnera un peu en puissance.

Accessoire(s): Les vêtements seront ceux que l'acteur met tout les jours(il est ainsi ancré dans la réalité, bien que son environnement ne soit pas rapproché d'une vraie chambre:c'est donc le contexte qui est hors du commun) . Il sortira de sa poche le morceau de charbon. La carabine sera en coulisse par terre, et sera une vraie arme(la violence de sa décision est réelle, il n'est plus dans le fantasme)
.

Mouvement(s):
Au lieu d'accrocher des tableaux, l'acteur dessinera au charbon des humains qui seront donc un vieillard, une femme obèse et un homme banal(le fait qu'il les dessine n'est pas en contradiction avec son oubli de ce à quoi il ressemble, c'est comme si un mécanisme qu'il ne peut percevoir le dirige). Tous seront laids mais surtout d'un trait mal assuré et un peu grotesque, contrairement aux rhinocéros qui eux aussi seront dessinés mais de façon épuré afin de les rendre nobles, beaux(et ainsi rendre concret la supériorité physique de bêtes sur les hommes) .
Au lieu de décrocher les tableaux, il essayera d'effacer le charbon, et donnera des coup de poings dans le mur de frustration, ce qui laissera des marques et abîmera les dessins sans les faire disparaître(son désespoir de ne pas être conforme le pousse à effacer ce qu'il voit comme les preuves de sa laideur) .

Les autres mouvements sont ceux indiqués par les didascalies, mais l'acteur les jouent de façon spécifique.

Acteur: Il pleure continuellement à partir de "Je ne suis pas beau"(Car il est comme un enfant qui ne comprend que trop la cruauté de la société à qui seules les larmes semblent naturelles), puis cesse pour rire doucement à la phrase "Eh bien tant pis"(à ce moment, comme il reprend ses réflexes de civilisé et se rend compte de l'absurde de sa situation, il rit,car, et c'est scientifiquement prouvé, l'absurde déclenche le rire.) Il tremble et ses gestes ne sont pas assuré quand il pleure(sa détresse mentale entraîne sa faiblesse physique), mais dès qu'il a rit, il reprend le contrôle de son corps(son comportement regagne en contrôle, puisqu'à partir de ce moment il s'assume en homme éduqué et sait donc maîtriser ses émotions).

Béranger représente l'individu banal qui doute, mais surtout celui qui resiste.

L'espoir est donc là, dans cette résistance individuelle.

vendredi 29 mai 2009

Résumé de la pièce

Dans une ville, ou plutôt un village quelconque, les habitants vont se retrouver confrontés à l'apparition étrange de rhinocéros.

D'abord, seul un spécimen est repéré, et beaucoup ne croit pas à son existence et pensent à des hallucinations. Mais les créatures se répandent, et les gens se rendent alors comptent que ces rhinocéros sont en fait des humains qui ont subit une transformation due à une maladie nouvelle, la rhinocérite. La métamorphose est imputée non pas entièrement à cette maladie mais à la volonté des transformés, qui ont en fait choisit ce nouvelle état et n'ont pas sut résister au pouvoir d'attraction qu'exerce la meute grandissante des pachydermes.
Finalement, seul être humain face aux rhinocéros qui barrissent autour de sa maison, Béranger choisit la lutte et la pièce finit sur son monologue, quand il se saisit d'une carabine et dit «Je ne capitule pas ! » après en avoir débattu avec lui même.


La pièce est répartie en 3 actes, dont le deuxième contient 2 tableaux.
  • Acte 1: sur la place d'un village, un rhinocéros fait irruption. Des discussions en découlent, on apprend qu'un chat a été écrasé par la bête.
  • Acte 2, premier tableau:dans le bureau d'une entreprise, le directeur, la secrétaire et d'autre parles, puis arrive le protagoniste principale qui été aussi présent dans l'acte 1, Béranger. Daisy, la secrétaire, et lui essayent de convaincre les autres de la réalité de leur aventure. Un employé est déclaré absent, sa femme vient l'excuser, mais elle est poursuivie par un rhinocéros se révélant être son mari, qui détruit une partie de l'entreprise. La dame se change elle aussi en rhinocéros, les autres sont sauvés par des pompiers. Acte 2, deuxième tableau: dans la chambre de Jean, Béranger assiste à la métamorphose de son ami, et constate que le concierge a fait de même alors qu'il veut le prévenir de ce qui est arrivé à son locataire.
  • Acte 3: dans la chambre de Béranger, qui est d'abord seul et tourmenté par l'idée d'une transformation prochaine, arrivent successivement Dudar et Daisy. Ils disctutent, puis Dudar décide de se changer en animal et sort de la maison, Daisy fais de même. Béranger décide de combattre.

L'auteur


Dessin préparatoire à un portrait d'Eugène Ionesco par Mac Avoy.







«Je préfère la vie à la mort, exister à ne pas exister, car je ne suis pas sûr d'être une fois que je n'existerai plus.»



Eugene Ionesco naît en Roumanie(1909) mais grandit à Paris de 1913 jusqu'à ce qu'il rejoigne son père en son père à Bucarest en
1925 suite au divorce de ses parents.
En
1938, il reçoit de l'institut de Français à Bucarest une bourse pour se perfectionner en France et échapper à la montée du fascisme, contre lequel il se battra toute sa vie. En France, il fréquente l'avant-garde intellectuelle et artistique auprès de laquelle il développe un esprit libre et son don pour la provocation. Sa première pièce, la Cantatrice Chauve, jouée pour la première fois en 1950, ne reçoit qu'un accueil froid mais marque la naissance d'un nouveau théâtre. Dès 1952, il publie chaque année des pièces nouvelles et acquiert finalement une renommée internationale et officielle. Il entre en effet à l'Académie Français en 1970 ainsi qu'au moins connu Collège de Pataphysique en 1957. Il est aussi nommé officier de la Légion d'honneur en 1984.
Il a écrit d'importantes pièces du théâtre absurde, mêlant comique et désespoir. Car si ses pièces font rire, c'est afin de rendre l'humain moins seul malgrès le grotesque de sa condition.

Il écrit Rhinocéros en 1958 en réaction à une ambiance de rascisme et de chauvinisme coloniale suite à la guerre d'Algérie, où beaucoup de par
tisan du général de Gaulle alors au pouvoir espérait le voir établir un régime autoritaire de droite. Adaptée par Jean-Louis Barrault(.-L. B. était un metteur en scène et comédien réputé)et jouée en Allemagne en 1960, à Dusseldorf pour ne pas trop provoquer en France, elle y sera perçue comme une critique du nazisme, et dès lors cette interprétation sera beaucoup réutilisée.
Cette pièce représente une certaine consécration, car elle est mise en scène par un homme de théâtre très reconnu et connait un grand succès.

«
Le théâtre peut être le lieu où il semble que quelque chose se passe.»

Ionesco entouré des interprètes de la Cantatrice Chauve


mercredi 27 mai 2009

Comparaison avec Godot

Ionesco est l'auteur associé à Beckett par excellence, car tout deux ont inventé un nouveau théâtre, qui casse avec la complaisance habituelle avec le public et ont donc choqué leur public de l'époque.

Ce sont donc ces liens que l'on peut faire entre En attendant Godot et Rhinocéros.Une répétition de En attendant Godot, 1961.

Dans les deux, le public est déconsidéré voir rabaissé: aucune aparté qui créerait une complicité, parfois traité de "tourbe"(dans Godot), ou seulement de "mur ravagé"(Rhinocéros), de façon quelque peu connoté car les spectateurs sont aussi appelé le "quatrième mur".

La mise en scène de Rhinocéros de Jean-Louis BARRAULT, Théâtre de l'Odéon, 1960.

Mais surtout, le public est remué par le changement dans les codes, avec un bouleversement du langage qui semble responsable de l'évolution du récit et non plus à son service, car c'est par des glissements de sens, quand dans Rhinocéros Daisy parle d'aller déjeuner, et que Dudar révèle son désir d'herbe, ce qui signifie le début de sa transformation en rhinocéros. Ou quand dans Godot Vladimir rebondit sur une réflexion terre à terre d'Estragon qui constate que son compagnon attend toujours le "dernier moment" pour faire les chose et en tire une idée métaphysique sur ce dernier moment. des jeux sur les dialogues apparaissent, volontairement dans Godot quand Vladimir et Estragon passe le temps grâce à des stichomythies, ou involontairement pour les personnages, mais laissant deviner une intention de l'auteur de Rhinocéros de perdre le spectateur en mélangeant le dialogue d'un vieux monsieur et d'un logicien et celui de Jean et Béranger, renforçant la confusion crée par l'alternance de répliques qui ne répondent pas à la précédente en mettant mot pour mot et successivement les même phrases dans la bouche d'un personnage de chaque duo. On le voit par exemple dans cet extrait:
Le vieux monsieur
C'est compliqué.
Béranger, à Jean
C'est compliqué.
Le logicien, au vieux monsieur
C'est simple au contraire
Le vieux monsieur, au logicien
C'est facile pour vous, peut être,pas pour moi.
Béranger, à Jean
C'est facile pour vous, peut être,pas pour moi.

Le langage voit ses différentes possibilités de com
munication tronqué par ces jeux et il n'en reste que son intention première, la fonction phatique qui cherche à maintenir un lien entre les humains.

En attendant Godot et Rhinocéros se rejoignent aussi par la dose d'absurde qu'elles contiennent, Beckett la crée en faisant attendre indéfiniment et sans but ses personnage, Ionesco en les faisant se changer en rhinocéros, et cette transformation semble tellement impossible qu'elle en devient insensée.
Mais derrière l'absurdité apparaît la multiplicité des interprétation qui en découle: l'attente peut représenter la condition humaine, la métamorphose l'appar
ition de la brutalité et de la barbarie...

L'absurde de situation et de langage est finalement porteur de toute l'ambiguïté qu'elle amène, et des réflexions suscitées.



Malgré ces axes qui se retrouvent dans les deux œuvres, d'autres aspects font de Rhinocéros une pièce bien différente de En attendant Godot.
En effet, le cadre est complètement ancré dans un environnement crédible et familier par la précision des didascalies quand elles mettent en place le
décors d' "une petite ville de province", tandis que le décors où évoluent Vladimir et Estragon est réduit à un arbre et un cailloux, ce qui donne l'impression d'un espace imaginaire ou de la représentation de l'intérieur d'un cerveau.
De plus, dès le début, l'absurde est mis en place déjà par le décors mais aussi par les dialogues, qui sont donc construits par décalages, tandis que Rhinocéros installe une atmosphère banale pour la faire basculer vers la folie.
Rhinocéros semble dévoiler à la fois concrètement et symboliquement le fonctionnement d'un système, la mise en marche d'un problème engendrée
par la société qui abouti à son autodestruction.Affiche créée par l'illustrateur et artiste

Alors que En attendant Godot ne montre pas une mise en marche de la violence, mais une violence quotidienne, inhérente à l'attente et à la vie, et là réside une différence principale car constructrice.